Est-ce que vous vous êtes déjà senti parfaitement à votre place ? Peut-être qu’il faut passer par un gros chamboulement pour apprécier l’équilibre. Vous savez, quand tout semble s’imbriquer parfaitement et vous pousser à faire encore plus, encore mieux, encore ? Maintenant que je l’ai vécu, je vous le conseille, vraiment, c’est agréable.
En mai, je suis intervenue dans la classe de ma fille pour trois séances de poterie. Une enseignante curieuse et quelques échanges ont suffi pour créer cette expérience très formatrice pour moi et pour ces 22 élèves à la fin d’un CP si exigeant. Toute cette joie, cette affection, cette curiosité sans filtre m’ont tellement boostée !
J’ai conçu les séances en prenant en compte les quelques contraintes terre à terre, mais en laissant un peu de marge pour l’imprévu. Je suis donc venue m’installer en classe trois fois deux heures : une première séance pour faire connaissance et modeler un pot, une deuxième séance pour travailler la surface des pots et une dernière séance pour réaliser un décor aux engobes.
Lors de la première séance, j’ai embarqué mes kits de poterie dans mon chariot bleu (il en jette, hein ?!) et quelques trésors en plus. Chaque élève avait sa boîte numérotée, remplie de quoi faire un pot : le matériel et l’argile. Ma présentation powerpoint ne fonctionnait pas (classique) et tant mieux. A la place, nous avons échangé, discuté, touché, senti. Je les ai écoutés autant qu’ils m’ont écoutée.
Et puis, le moment tant attendu d’ouvrir la boîte est venu et ils ont poussé des cris de dégoût amusé (mi beurk, mi haha). C’est vrai que ça colle et c’est froid, la terre qui sort du sachet ! A partir de cette boule de terre, nous avons pincé les pots, patiemment ou hâtivement, à notre rythme, à chacun, à tous. La magie de la terre a opéré. J’ai entendu certains élèves chantonner en progressant en spirale le long des parois de leur pot. Certaines étiquettes ont valsé : l’élève « turbulent » devenu « prodige de la poterie » m’a demandé, nonchalamment, « Faut faire beaucoup d’études pour être potier? », comme s’il venait de découvrir une lumière au bout du tunnel scolaire après une demi-heure de poterie (et un an de primaire…).
Une fois les pots formés, nous avons les avons rangés dans leurs boîtes pour un séchage lent et nous nous sommes dit au revoir. J’ai eu des câlins et beaucoup de mercis après la séance, le lendemain et les jours qui ont suivi. Franchement, ne me payez pas, rémunérez-moi en câlins.
Le soir dans mon lit, mon cerveau a tourné à fond, mais pour une fois, les pensées négatives ont cédé leur place aux bons moments, aux jolis mots, et à l’idée que ça allait être ça, ma vie, désormais. Comme après un rendez-vous amoureux, j’avais été frappée par un coup de foudre. Une lumière au bout du tunnel professionnel, juste là, à portée de main, tout près du cœur.
La deuxième séance était un peu plus sportive. J’ai lâché prise et eux aussi. Les élèves se sont approprié la séance à une vitesse déconcertante : en moins de deux, distribution des trousses, répartition des boîtes et grandes discussions sur les exemples de pots à garnitures présentés. Les anses, les pieds et autres attributs font partie de leur quotidien, et je venais juste dévoiler les secrets de leur fabrication. Alors il y a eu la découverte de la douceur de la terre à consistance cuir, des petits accidents de séchage et des sauvetages (la base de la poterie !), des choix draconiens, des envolées créatives (voire destructrices), et de l’entraide.
Nous nous sommes enfin retrouvés une semaine plus tard pour la dernière séance. Il s’agissait de personnaliser encore plus le pot. Choisir une couleur ou un motif parmi d’autres, c’est s’exprimer et c’est bien cela qui m’intéresse dans cette transmission : encourager à s’exprimer en créant. On a vu les bases, on a bien attendu que l’engobe sèche avant d’appliquer une nouvelle couche, on a sgraffité, gravé, mais on a surtout laissé les couleurs donner vie aux pots, pour qu’ils deviennent « leurs » pots.
A la fin de la séance, les pots sont rentrés à l’atelier. Je les ai cuits une première fois, poncés, lavés, cirés puis émaillés. Je les ai recuits. Ils sont sortis brillants, colorés, un peu tordus mais uniques, prêts à être offerts, utilisés, exposés.
Je les ai livrés et ils ont été offerts à des mamans célébrées, visiblement ravies.
Mon bilan, côté animatrice?
22 élèves, c’est un peu de frustration de ne pas pouvoir accorder autant d’attention que je l’aurais souhaité à chaque enfant, à chaque fissure. Heureusement, mon approche est conçue pour que chaque élève puisse être aussi autonome que possible, notamment grâce aux boîtes lors de l’installation et du rangement (« très Montessori » d’après l’enseignante).
22 élèves qui se connaissent bien, cela veut aussi dire que la dynamique de groupe est bien là et elle est merveilleuse. Je n’oublierai pas le moment où toute la classe s’est mise à chanter en anglais les couleurs de l’arc en ciel, d’une seule voix, douce et enjouée. Preuve, s’il en fallait une, des bienfaits de la créativité.
Je vous laisse avec une série de photos des séances à faire défiler, et je vous retrouve quand le clavier me démangera. En attendant, portez-vous bien!
encore bravo, gérer 22 petits potiers, tu as du bien dormir la nuit suivante ha ha 😁
Expérience enrichissante pour toi, non?
ils sont trop trognons ces pots😉
@catherinecoteterres