En ce moment, je sculpte une tête.

C’est ma première tête. Quel plaisir d’apprendre cette technique qui me semble (semblait!) réservé aux aaaaaartistes ! Vous savez, Michel-Ange, Rodin et mon grand-père. C’est marrant comme on se crée parfois des croyances bloquantes ! Et puis je suis tombée sur la chaîne Youtube de Muriel Léobet, et j’ai navigué entre ses vidéos des yeux, des oreilles, les astuces et les erreurs. Et un jour où je planchais sur le paragraphe de la page d’accueil pour me présenter, je me suis dit que j’allais essayer de le faire avec la terre, plutôt qu’avec les mots. Bon je ne suis pas allée jusqu’à l’autoportrait, ce sera pour une autre fois, une autre tête!

Depuis que j’ai mis les mains dans la terre, je me définis comme « potière ». C’était en 2015, je venais de passer mes 6 premiers mois avec cette nouvelle identité de « maman », à temps plein, jour et nuits. Temps plein d’amour mais assez vide de moi. Alors, pour ce temps pour moi qu’on me conseillait fortement de prendre, j’avais trouvé un super atelier, avec des cours sans engagement, sans abonnement. Comment m’engager alors que je ne savais même pas dans quelle vie je m’étais embarquée? Dans cet atelier, Muriel (une autre Muriel) est devenue ma prof. Elle a tout de suite défini ce qu’on ferait avec elle : des pots.

Le pot est un terme générique désignant tout contenant, récipient. S’il arrive que les céramistes fabriquent des pots, c’est quand même l’aspect esthétique (notamment par l’utilisation d’émaux) qui prime dans leur travail. Le potier et la potière fabriquent des choses utiles, des récipients. Oh ces récipients peuvent être très beaux, décorés et personnels, mais leur objectif premier est de contenir quelque chose. La fonction d’abord, les émotions après (en tout cas chronologiquement).

Moi qui ne savais pas trop ce que je contenais, cela me convenait parfaitement. 

Depuis 2015, j’en ai fait, des pots. Des pots au tour, des pots pincés, des pots en colombins, à la plaque et même estampés ou coulés. Des pots moches, des pots tordus, puis des pots « pépites », et même des pots vendables ! Et plus j’en faisais, moins l’aspect technique me freinait, et plus le côté artistique arrivait à se faire une place. Qu’est-ce que je voulais raconter avec tous ces pots? C’est notamment ce que contenait plus tard ma formation professionnelle : faire des pots oui, mais comment s’exprimer à travers eux? 

Avec la terre aussi, je pouvais être artiste. Oui parce que artiste ou créative je l’ai toujours été. Comme tout le monde en fait. Mais il parait que je suis particulièrement dans la lune (« allo la lune, ici la terre« , je l’ai entendu quelques fois…), dans mon monde. Rester sur Terre me demande parfois un peu d’effort, alors quand je peux, je prends mes crayons, mes pinceaux, du fil ou des cailloux, que je manie d’abord pour rentrer dans cet état quasi méditatif si apaisant. Mais le résultat souvent, c’est que je finis par raconter des histoires, je transforme et sublime. Je fais des liens, je me transporte dans un ailleurs. Je crée une réalité parallèle, mais pas très loin d’ici.

Alors, oui, j’en reviens à ma tête sculptée. Partir d’une boule de terre pour créer les traits d’un visage, en relief, ce n’est pas du tout utilitaire, ce n’est pas pour les potièr.e.s. Au début, on parle bien de proportions, on suit l’ordre indiqué : on creuse les yeux, les tempes, on place le nez, etc. On veut surtout que ce visage ait l’air humain ! On ne se refait pas, l’idée m’a bien traversé l’esprit d’en faire un pot de fleur !

Mais ce qui m’a frappée, c’est ce moment magique où est apparu le regard de cette tête. Comme si elle prenait vie. Alors non, je n’allais pas lui coller un cactus dans le crâne (quoi que, je garde l’idée). 

Et puis, toutes ces décisions que j’ai dû prendre pour elle : Est-ce un homme ou une femme? Et pourquoi elle (j’ai choisi) me regarde comme ça? Elle sourit mais pas trop, qu’est-ce qu’elle pense? Et son âge? Et en quoi elle me ressemble? Est-ce que c’est moi? ma fille? ma grand-mère? Et pourquoi elle aurait un rapport avec moi?  On s’est pas mal parlées, elle et moi. Dans ma tête (à moi) je vous rassure. On a eu le temps. C’est long, de sculpter une tête. 

Allez, c’est pas tout ça, j’ai une tête à vider (la sienne, pour changer).

Si vous êtes arrivés jusqu’ici, MERCI, faites-moi un petit coucou en commentaire et dites-moi : vous, c’est quoi ce que vous rêvez de faire mais que vous n’osez pas tenter, ou bien que vous pensez réservé aux autres?